Petite chronique de la résilience des peintres de rue en Haiti
Louis Murat est l'un des artistes peintres les plus actifs des l'Association des artistes de Pétion-Ville en Haïti. Je l'avais rencontré à Port-au-Prince, quelques mois après le terrible séisme de janvier 2010. La communauté artistique avait été profondément touchée, certains avaient perdus des proches, des amis, d'autres leurs maisons. La catastrophe avait déclenché une solidarité sans précédent s'ajoutant à la fraternité qui prévaut depuis toujours au sein de cette corporation. La solidarité, la résilience, le courage de rebâtir et de rebondir face à l'adversité, Louis Murat connaît. Aujourd'hui, il défend avec ténacité le métier et l'activité des artistes peintres de rue et tente d'alerter les autorités sur les conséquences désastreuses des troubles à l'ordre public.
Au mois d'octobre 2019, les manifestations violentes qui se sont déroulées à Port-au-Prince ont en effet entraîné d'importantes dégradations dans les galeries à ciel ouvert qui font la réputation de ce quartier bien connu des amateurs d'art haïtien. Des dizaines de peintures ont été la cible de projectiles, et même parfois ont été arrachées des cimaises pour rejoindre le brasier des barricades. Les manifestants s'en sont ainsi pris à une véritable institution culturelle sans autre motif que d'exprimer leur rage. Le peintre Gaël Pierre ne cache pas sa colère: « À chaque fois que les manifestants décident de monter à Pèlerin pour aller voir le président, c’est ici que les choses se corsent. On nous lance du gaz lacrymogène et des balles en caoutchouc. ». En 2010 déjà, lors des élections présidentielles , des casseurs s'étaient acharnés à détruire des œuvres par dizaine. Le peintre Louis Saurel s'en souvient avec amertume: « Le 7 décembre 2010, les manifestants ont brûlé nos tableaux après l’annonce des résultats des élections. On a perdu au moins trois millions de gourdes de marchandises ».
D'honnêtes artistes et artisans ont fait les frais d'une désobéissance civile que leur travail et leurs œuvres ne contribuent aucunement à légitimer, l'esthétique revendiquée des paysagistes et naïfs haïtiens n'étant nullement de nature politique.
Les oeuvres de Louis Murat, comme celles de ses amis peintres Gaël Pierre, Louis Saurel, Fritzner Isemorin, Ras-Kimmy, Deronsias, et bien d'autres n'ont pas toujours la chance d'être présentées dans les grandes galeries de la capitale car la compétition est sévère. Beaucoup de ces peintres font leurs armes dans la rue en copiant le style et les oeuvres des maîtres du genre. Certains parfois parviennent à se faire remarquer en se lançant dans des créations originales mais il est bien difficile de sortir du lot. Plusieurs années d'apprentissage sont nécessaires avant de prétendre se démarquer par un style et une écriture particulière. En attendant, ces peintres de rue qui réalisent des tableaux souvent de grande qualité mais à des tarifs plus abordables que ceux exposés chez Monnin ou Nader, se mobilisent pour protéger leur activité qui est aussi leur gagne-pain.
L'Association des artistes de Pétion-Ville lance un appel aux autorités afin que ces agissements cessent et soient sanctionnés.
Article rédigé à partir d'un article de Claude Bernard Serant dans Le Nouvelliste:
Oeuvre de Louis Murat sur le site TAA:
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