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PHOTO: Le Faya-Largeau de José Nicolas

Dernière mise à jour : 20 nov. 2020

Tchad, mars 1987. Alors qu'il est missionné par l'agence Sipa pour couvrir l'attaque de l'armée libyenne sur Ndjamena puis la déroute des blindés vers le Nord jusqu'au bombardement de Ouadi Doum, bourgade située entre l'Ennedi et le Borkou, le photographe-reporter José Nicolas se replie vers son "camp de base", une fois la mission accomplie. Un lieu chargé d'histoire, quasi- mythique dans l'imaginaire occidental, et pourtant bien réel: Faya-Largeau.

C'est là, dans cette ville des sables, palmeraie perdue dans l'immensité désertique du BET (Borkou-Ennedi-Tibesti), que José Nicolas avait suivi son père militaire au début des années 60 et passé une partie de son enfance. Il s'en souvient comme "d'une vie pleine de douceur, où le temps n'avait pas de prise sur vous, où je vivais pleinement cette liberté avec le bonheur de l'innocence". Lorsqu'il y revient presque trente ans plus tard, il découvre que rien n'a changé.

Faya-Largeau est restée ce qu'elle était, en se préservant de cette modernité agressive qui défigure tant d'autres sites patrimoniaux en Afrique au nom d'intérêts économiques, stratégiques, touristiques, etc.

Faya-Largeau n'est pas une station balnéaire - cela n'aura échappé à personne - et n'intéresse plus grand monde à vrai dire. C'est une oasis située dans une "zone saharienne hyper-aride au cœur du plus grand désert chaud au monde". L'ombre y est un bien précieux, y compris pour le photographe qui surveille la course du soleil et traque le bon moment pour obtenir les meilleurs contrastes en jouant avec les ombres qu'une lumière dure et difficile à contenir projette au sol.


© José Nicolas, Palmeraie de Faya-Largeau, Tchad, 1987 / Tirage argentique N&B, d'après fichiers DIGITAL SILVER GALERY FB 1K BARYTE / 54X86 cm.

Proposition de lecture et décryptage

Dans sa composition, José Nicolas n'a pas recherché un équilibre parfait ni même une symétrie, mais il définit clairement une ligne de fuite rendue par la perspective des deux bâtiments, en plaçant le sujet au centre, une femme qui s'éloigne en tenant un enfant par la main. Elle est encore dans l'ombre des couronnes de palmiers situés à droite de l'image (présents dans le cadre sans y être réellement). Une ombre qui confère une incroyable dynamique au premier plan et opacifie sa silhouette. La femme se découpe nettement sur le sable de l'allée, c'est le chemin qui lui reste à parcourir, presque un "cadre dans le cadre" qui isole le sujet dans la composition malgré la présence d'un autre passant au loin. Difficile de dire si le photographe a traqué le lieu et attendu le bon moment pour déclencher l'obturateur; tout porte à croire qu'il a plutôt agi à l'instinct, au hasard de ses déambulations dans la ville. D'où vient cette femme, où va-t-elle avec cet enfant qui semble récalcitrant? Est-ce vraiment la question que pose cette photo? Sans doute pas.

Cette photo désigne un lieu, en Afrique, où le temps s'arrête. Il y en a d'autres. Seuls ceux qui y ont vécu savent cette impression étrange d'une suspension du temps, sans réussir à la définir exactement. L'image fixe permet de mieux saisir cet effet. Sur cette photo désormais célèbre, les contrastes, la gradation des gris et l'exposition choisie participent à cette sensation de langueur et de nonchalance paisible, attitude qu'on adopte assez rapidement lorsqu'on s'installe sous ces latitudes.

Et c'est précisément ce que cette photo magnifique (parmi d'autres) de José Nicolas invite à ressentir. Cette sorte d'indolence mélancolique inscrite dans l'ADN d'un site exceptionnel, la palmeraie de Faya-Largeau.





Plusieurs de ses photos seront exposées dans le cadre de l'exposition Afriques en Regards #1 à partir du 5 décembre 2020.


Quelques unes des oeuvres de José Nicolas peuvent être commandées, achetées ou réservées via la galerie TransAfrik Art.


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